mercredi, juin 28, 2006

L`homme est-il un loup pour l`homme?

Voilà quelque temps, alors que le vent était encore frisquet et que le chant distinctif des grenouilles égayait de nouveau ma forêt, je conviais mes potes félins, Lancelot, Rocky, Lucas et la belle Miss Daisy à venir célébrer le renouveau à la Cabane à sucre de Tiguidou.

À l`entrée de la vieille bâtisse en bois de rond et à la toiture en fer-blanc rouillé par les pluies acides, se tenait, bien droit, un homme d`âge mûr, avec la pipe à la bouche. Il saluait chaleureusement chacun de ses invités d`un gracieux hochement de tête. C`était Tiguidou, le maître de l`érablière. Trapu et grassouillet, avec une moustache épaisse, longue et bien retournée comme une crosse de fougère, il était reconnu par tous comme le boute-en-train du village.

Miss Daisy connaissait bien Tiguidou puisqu`il était son parrain. Avec sa tuque rougeâtre, sa chemise en lin et le ventre ceinturé d`une écharpe fléchée, tressée et colorée aux nombreuses déclinaisons, le vieux monsieur s`empressa de nous diriger vers sa meilleure table, proche d`un poêle à bois ronflant. Aussitôt assis, je reluquais le décor féerique qui recréait le romantisme d`un temps pas si lointain. De simples longues tables et chaises usées et gravées de graffitis d`amour dans le bois massif, aux anciens moules à sucre sculptés dans le pin sec et suspendus sur les murs aux côtés de vieilles raquettes de bois tressées en babiche, rien n`était laissé au hasard pour celui ou celle qui avait l`oeil curieux.

L`atmosphère était conviviale et chaleureuse. Des éclats de rires retentissaient d`une table à l`autre. Les filles étaient jolies, fraîches et pompettes et les garçons étaient tous beaux à contempler. Mais. à peine n`eus-je le temps de faire un tour de tête à la manière d`une chouette, pour tout voir, qu`une sympathique serveuse, belle à croquer, se pointait aussitôt à notre table avec les cartes de menus à la main. Pour connaître tous les mets traditionnels québécois présentés, Lancelot, Rocky, Lucas et Miss Daisy ne tardèrent pas à faire leur choix pendant que moi, le pauvre, je tergiversais, comme un gamin étourdi, entre des saucisses dans le sirop, un pâté à la viande ou une omelette au four accompagnée de patates rissolées. Cependant, à mon grand soulagement, la jolie serveuse eut tôt fait de remarquer mon indécision, qui ne l`affectait pas le moins du monde, et me proposait le menu complet sur un ton chaleureux, voire un tantinet passionné...

Après avoir dégusté une soupe aux pois, épaisse et savoureuse comme je l`aime, grignoter une ou deux oreilles de crisse à l`ancienne et avaler trois ou quatre grosses cuillerées de fèves au lard, je me régalais de galettes de sarrazin, enroulées de lanières de jambon au sirop d`érable. Sans manières ni chichis, comme une véritable invasion de doryphores, tous, nous mangions d`un appétit de bûcheron où le ventre de chacun, ne tardait pas à pétarader une douce musique!

Rendue à l`heure du digestif, pendant que nous discutions de la culture de la terre et de ses ressources, - parce que nous sommes tous des adeptes du jardinage biologique -, un vacarme de démons nous distrayait pour que nous en oubliions, un instant, de consommer nos bières, bien froides, d`une mousse riche et consistante. Près de notre table, deux jeunes hommes se chamaillaient et s`injuriaient grossièrement comme des p`tits culs écervelés. Un crachat au visage, une bousculade, puis un p`tit coup de pied pour le moins amical et aussitôt, une vive bataille s`enclenchait sous nos yeux grands et ronds. Pour les avoir reconnus, Miss Daisy nous informa aussitôt, à Lancelot, Rocky, Lucas et moi, qu`il s`agissait de frères jumeaux qui s`éprenaient follement de la même jeune fille.

(à suivre...)

Le Chat botté,

Aucun commentaire: