dimanche, février 25, 2007

Les deux sales rats des champs (Partie 12)

En silence, je sacrais comme un diable pendu par la queue. Je n`avais qu`une seule idée en tête et c`était celle de me venger... Non seulement les deux sales rats m`avaient-ils assommé d`une pelle en fer près de l`étable de mes voisins les Lamoureux qu`ils eurent le culot de me voler la nuit suivante pendant mon absence. Après des kilos de grains, un poulet, du bois de chauffage et une vieille roue de charrette, qu`avaient-ils encore dérobé d`autre et à qui?

Accroupi derrière Lancelot qui se tenait prêt à l`assaut, j`attendais impatiemment son signal d`attaque. À peine voilà quelques heures, lui et moi, nous en étions convenus d`agir comme des soldats d`élites pour défoncer du pied la petite porte de la caravane rabougrie dans le but de forcer les deux sales rats des champs à quitter le plancher des vaches sous la menace de nos battes de base-ball.

La température se maintenait toujours dans une zone critique pour que je ressentis dangereusement tous mes organes se crisper comme des raisins secs malgré un soleil radieux et éblouissant. Une vapeur blanchâtre me sortait sporadiquement du nez comme un taureau en colère. Au aguet comme deux furets en quête de nourriture, nos oreilles bien tendues s`agitaient au moindre bruit. Du toit de la petite caravane se trouvait un petit tuyau de plomberie en guise de cheminée d`où sortait une fumée grise. Dans leur taudis, nos deux sales rats se la coulaient douce, à la chaleur d`un feu de cochon en fer, aux frais de notre héros Rocky.

Je sentais Lancelot nerveux. À le voir regarder dans tous les sens, je présumais que, d`une seconde à l`autre, nous pourrions nous défouler pour enfin satisfaire notre rage. Mais, au moment où je commençais à ressentir des fourmis dans les jambes pour rester immobile comme une statue dans de la neige froide et humide, un événement inattendu se présentait pour contrecarrer nos plans. Venant du chemin, furieux comme nous l`avions encore jamais vu, le vieux curé s`approchait rapidement vers nous tout en marmonnant bruyamment entre ses dents serrées un sermon sorti tout droit du Chapitre de l`Apocalytique.

À la fois abasourdis et désolés comme deux voyous, pris la main dans le sac, nous étions convaincus, Lancelot et moi, de subir le pire des châtiments que celui d`être excommunié! Dès lors, dans mon délire, je m`imaginais le vieux sorcier de la paroisse nous tirer chacun par les oreilles pour nous conduire dans son temple afin que nous demandions pardon à ceux que nous nous apprêtions d`offenser. Mais, il n`en était rien. D`un pas certain, le vieil homme tout vêtu de gris et de noir passait près de nous comme si nous lui étions invisibles pour se rendre au pied de l`autel des sacrifices.

Deux battements de coeur n`eurent sonné entre mes deux oreilles pour me rappeler que j`existais toujours que le sermonneur se trouvait déjà devant la caverne des voleurs le nez collé à la petite fenêtre de la porte. Sans plus tarder, il cognait vigoureusement du poing pour que la caravane se mit à chavirer comme un bateau perdu sur une mer houleuse. Immédiatement, j`entendis les deux sales rats se bousculer dans un état de panique. Des bruits de casseroles et de bouteilles de verre retentissaient de ce lieu pour aussitôt déchirer tragiquement la quiétude matinale de la forêt. Je n`eus longtemps à poiroter comme un idiot pour apercevoir la porte s`ouvrir d`elle-même suite à des coups de bastonnade. «Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie...», s`empressait de dire à voix haute le vieux curé les yeux rivés dans son Évangile.

Rien ne se passait et le temps m`était insupportable. Tout d`un coup, comme Lazare résuscité à la porte de son tombeau, les deux sales rats nous apparaissaient mine de rien. «C`est quoi l`affaire!», nous mentionnait sans vergogne le p`tit bedonnant aux yeux furibonds et le nez en l`air. Sa complice, toujours aussi hideuse de par son allure de manche à balai éraflé, grignotait quelques noix dans le creux d`un ostensoir doré.

À cet instant même, pour sans doute ne plus se contenir, le vieux curé brandissait ses bras vers le ciel pour aussitôt lancer de toutes ses forces en directions des deux malappris la Bible et le crucifix qu`il tenait précieusement entre ses mains. En deux temps trois mouvements, les deux sales rats des champs quittaient rapidement leur royaume pour s`enfuir à bord de leur vieux Pick-up cabossé laissant derrière eux tous les trésors récemment dérobés. Pour une rare fois, je fus témoin du triomphe du bien sur le mal...

Le Chat botté.

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