samedi, juillet 15, 2006

Un vieux fermier sympathique et attentionné (Partie 2)

Devant mon silence idiot, le vieil homme semblait s`impatienter. Aussitôt, je tentais de bredouiller quelques mots, mais peine perdue. J`en étais incapable. Son regard froid et inquisiteur me glaçait littéralement le sang. Mes yeux terrifiés fixaient toujours les siens, quand soudain, le voyant froncer doucement un sourcil, je réussissais à hocher nerveusement la tête en signe d`affirmation.

Immédiatement, pour être sans doute convaincu que je n`étais pas l`un de ces voyoux qui squattait une vieille maison de campagne abandonnée, il se présenta: «je suis monsieur Lamoureux, votre voisin agriculteur». Soulager qu`il soit un habitant du canton et non un tueur de grands chemins, je l`invitais à partager un petit goûter accompagné d`un breuvage.

Mon invité semblait bien connaître les lieux. Car, à peine n`eut-il pris le temps de déposer sa longue perche et d`essuyer ses semelles sur le paillasson, qu`il se dirigeait directement, comme un coup de vent, vers la vieille cuisinière à bois. De biais avec moi, je pouvais ainsi le scruter d`un oeil curieux. Les yeux rivés sur l`antiquité, il glissa doucement ses doigts tordus de la main droite sur le rebord chromé du vieux meuble pour finalement pousser un long soupir.

Je me doutais bien que cet objet nostalgique avait été le prélude d`une attachante histoire d`amour. Soudainement, il me mentionna d`une voix chevrotante: «c`est icitte que j`ai rencontré Violette, ma regrettée épouse». Restant immobile un instant, il se retourna par la suite dans ma direction après avoir levé le bras au niveau de son visage pour sans doute essuyer une larme de chagrin.

Tout en reluquant la grande cuisine d`un tour de tête, il m`informait que rien n`avait vraiment changé depuis qu`il avait courtisé sa belle, à cet endroit, à l`hiver de l`an 1940.

Je savais que l`hiver d`antan était en quelque sorte la saison de repos pour les fermiers. Bien que leur vie demeurait difficile à appréhender et cela à longueur d`année, leurs journées n`étaient pas seulement occupées par les travaux. De temps à autre, étaient organisées des veillées durant lesquelles se rassemblaient parents, famille, amis et voisins pour s`adonner à des divertissements mais qui, hélas, sont disparues de nos us et coutumes pour ne hanter que la mémoire de nos aînés.

Dès que monsieur Lamoureux eut repris ses sens et ses esprits pour oublier un instant la vieille cuisinière, je lui demandais: «vous connaissiez l`ancien propriétaire de ma vieille maison?». «Certainement!», me répondit-il promptement. Aussitôt, pour le voir se redresser la tête vers l`arrière comme une jument hargneuse, mais sans bouger le restant de son corps recroquevillé, je ne pus m`empêcher d`échapper un petit rire ce qui décrocha un doux sourire sur son visage. L`ambiance, lourde et terrifiante, s`était dès lors dissipée aux quatre vents.

Pendant que je préparais un café crème, monsieur Lamoureux me racontait comment du jour au lendemain, l`ancien propriétaire de ma maison, Albert MacMahon, et lui, alors qu`ils étaient encore des amis inséparables de leur adolescence, devinrent chien et chat pour tomber épris de la même jeune créature digne d`un ange de Dieu. «De la même jeune fille!», lui dis-je gaiement. Pour voir aussitôt mon sourire se dessiner sur mon visage tel celui d`un gamin taquin, il s`empressa de rajouter: «c`est ça, mon garçon!».

Intrigué par cette histoire d`amour, je ne pouvais me retenir pour lui demander de me décrire cette "beauté" qui devait, bien malgré elle, mettre le feu aux poudres dans le coeur de nombreux prétendants. Sans hésiter, il me la dépeignait, tout bonnement, comme si elle était toujours gravée dans sa mémoire.

Gisèle de son nom, était la bonniche de la famille du Marchand général du village. Malgré ses vêtements simples et modestes, elle se distinguait de par ses cheveux châtain chatoyant et aux deux tresses tombantes le long de son visage à la peau et au teint impeccable. Ses yeux profonds de couleur noisette et son regard aguicheur, à peine masqué d`un brin de malice, ne manquèrent jamais de rendre chacun, et particulièrement la gente masculine, complètement folle! Aux dires de monsieur Lamoureux, de par sa démarche langoureuse telle une tigresse en chaleur, elle avait le don d`en exciter plus d`un, au grand dam des autres filles...

Attentionné comme pas un, je l`écoutais me raconter ses aventures d`un passé captivant. «Je comprends, maintenant, comment, vous et votre ami, vous en étiez venu à vous tirailler...», lui dis-je. «Se tirailler! Dis-tu mon jeune? Nous en étions venu aux coups de poings et de pieds!», me répondit-il fermement la gorge nouée de vieux souvenirs.

Après avoir sapé quelques gorgées de son café crème et dévoré un gros muffin au chocolat que je lui avais servi, monsieur Lamoureux se mettait à son aise sur une vieille chaise de bois et pousuivait tranquillement la narration de sa grande et tumultueuse amitié qui l`unissait à son ami Albert MacMahon.

(à suivre...)

Le Chat botté,

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