lundi, juillet 31, 2006

À la découverte d`un champ biologique avec Lancelot, mon pote agronome (Partie 2)

Avant de s`enfoncer plus profondément dans une jungle vénézuélienne de plants de maïs, Lancelot m`informait que pour faire une inspection juste et globale d`un champ, il était prémordial de se déplacer en zigzag à comptant cent pas d`un lieu à l`autre. Mais, trop préoccupé de scruter les tiges qui me frôlaient le corps pour dénicher les bêtes tant redoutées, je lui portais peu d`attention...

Rendu au trentième pas, je m`exclamais, haut et fort: «j`en ai trouvé une!». Pour le voir se tressaillir subitement comme s`il eut reçu une décharge électrique, mon cri devait être des plus saisissants! Immédiatement, il cessa son inspection militaire d`une relève de la garde pour me retrouver. Sur l`une des feuilles retombantes d`une tige de maïs, se trouvait une coccinelle orangée marquée de plusieurs points noirs. Tout d`un coup, elle s`envola pour se poser sur le dos de ma main. Sans dire un mot, Lancelot leva son bras vers le ciel comme pour me signifier de faire le mort. Surpris par son comportement saugrenu face au danger que cette bestiole pouvait réellement m`engendrer, comme un gentil pantin, j`obtempéra tout de même. Puis, il me dit: «savais-tu que les paysans accordent beaucoup d`importance au nombre de tâches qu`une bête à Bon Dieu peut avoir sur son dos lorsqu`elle se pose sur une main?». Pour le regarder avec insistance, sans doute le visage long comme celui d`un cheval, je pensais de quel genre d`enseignement supérieur avait-il reçu? Faisant fi de mon regard des plus idiots, il me rajouta: «si tu fais le décompte des points noirs, tu découvriras le nombre de mois de bonheur que tu vivras prochainement!».

Intrigué comme s`il me lisait ma bonne aventure, j`entrais, les yeux fermés, dans son délire, et comptais à voix haute le nombre de points. «Huit!», m`écriais-je sur un ton réjoui avant que cette petite coquine ne s`envolât de nouveau. Néanmoins, même si j`étais heureux de mon avenir raconté sur le dos d`une petite bête, je reprenais mes esprits et lui demandais si la coccinelle était un insecte nuisible. Pour se secouer la tête comme le gong d`une horloge Grand-père, il me donnait la réponse. Puis, tout en me signifiant de son index le dessous d`une feuille, il me demandait d`y jeter un coup d`oeil. Je soulevais alors la longue feuille avec la plus grande précausion comme si un danger des plus menaçants pouvait s`y dissimuler. Et, pour ne rien voir, sinon des points minuscules, presque invisibles, d`un vert bleu, s`agglutinant sur la chair de la tige, les uns sur les autres, telle une orgie, il me dit d`un ton grave d`un maître d`école: «la coccinelle est un prédateur naturel qui peut à lui seul dévorer jusqu`à cinq cents pucerons par jour!». Pour me redresser aussitôt le corps comme si un fantôme m`était apparu, je restais bouche bée!

Tout en reprenant son inspection après avoir griffonné quelques notes sur son calepin, je le suivais, pas à pas, comme un chien de poche, et tombais subitement dans l`une de mes réflexions. Je me demandais comment une si petite créature pouvait se régaler d`autant de parasites et, s`il s`agissait du même coléoptère qui, à l`automne, et en grand nombre, viennent se regrouper sur la façade des maisons, exposée, côté sud, pour tenter tant bien que mal de s`infiltrer afin de passer la saison froide aux frais de leur hôte! Mais, à l`instant même où je m`apprêtais à lui poser ces questions, le vent s`éleva instantanément pour que, tous deux, nous en perdions nos chapeaux. Saisi par ce souffle d`un dieu colérique, j`oubliais tout pour dès lors en perdre la raison. Je levais ma tête vers le ciel et je l`aperçus devenir gris, puis noir en un instant. Je crus alors que le soleil avait soudainement décidé de déguerpir comme un lapin affolé, mais il en était rien! Des nuages menaçants, teintés à l`encre noire s`étaient avancés, rapidement, comme une charge de cavalerie pour aussitôt assombrir tout le paysage. «Ce soir, l`orage s`annonce de première classe!», m`écria Lancelot tout en poursuivant son inspection comme si cela ne l`effrayait guère...

Durant ma randonnée en bicyclette, pour avoir aperçu plusieurs champs de culture de maïs s`étaler sous mes yeux ébahis, j`avais remarqué que le champ de mon voisin était plus vigoureux et verdoyant que les autres, et je demandais la cause à Lancelot. Immédiatement, il me déclara, dans un élan solennel, que le champ de monsieur Lamoureux n`avait jamais reçu d`application d`engrais chimiques, ni de pesticides ou d`herbicides de synthèse tout comme ses semences utilisées n`avaient jamais été issues du génie génétique. Et, comme ses sols avaient accumulé plus de compost, de fumier traditionnel et de poudre d`os au fil des années, et pour n`avoir jamais été labouré en profondeur, cette façon de faire, à l`ancienne, aida grandement à conserver l`eau, à limiter l`érosion et à maintenir une qualité dans la couche arable. «Et, c`est pour cette raison que ses plants de maïs sont visiblement plus vigoureux?», demandais-je l`air estomaqué. «Ouais!», me répondit-il tout en me faisant un clin d`oeil.

Sur cette affirmation des plus évocatrices, un coup de tonnerre retentissait aussitôt pour me faire bondir les deux pieds joints et pour en avoir les cheveux dressés sur la tête. Une décharge simultanée de plusieurs canons sur le Champ de Mars ne m`aurait pas été moins insoutenable et terrifiante!


(à suivre...)


Le Chat botté,

Aucun commentaire: