mercredi, janvier 03, 2007

Les deux sales rats des champs (Partie 3)

Je continuais à faire mes investigations dans les quatre coins de l`étable. Comme un chat aux aguets, je tendais l`oreille pour capter au hasard une conversation de muridés... Soudain, dans un coin sombre derrière un énorme tonneau de bois rempli d`eau, j`entendis quelques ragots. Deux rats noirs à la queue longue et aux grandes oreilles comméraient, la bouche pleine devant un gros épi de maïs. Immédiatement, j`informais Lancelot et monsieur Lamoureux de ma repoussante découverte. Mais, comme si cela sur le moment n`avait que très peu d`importance, mon pote s`en retournait indifféremment à ses besognes tout en balayant du revers de la main ma trouvaille pendant que le vieux fermier observait le triste spectacle le visage sans expression.

Pourtant, malgré cela, quelque chose de fondamentalement insensé me chicotait l`esprit. Je ressentais une drôle d`intuition et désirais plus que tout m`y accrocher comme un poisson à l`hameçon. «Et, si nous étions envahis par une colonie? ...Avez-vous songé aux multiples possibilités d`infection...», leur demandais-je. Lancelot fit la sourde d`oreille à mes interpellations. J`étais abasourdi. Mes questions demeuraient sans réponse. Après avoir fait l`inspection des grillages des cribs à maïs, des sacs de grains, des liens des balles de foin et de paille, et déposer près des murs des trappes à ressors en métal, nous quittions cet endroit en silence comme si nous participions à une procession funeste.

La journée fut bien remplie. Fatigués, nous avions fermé tôt les lanternes. Couché sur un vieux matelas de laine, ficelé comme un rôti, les bras croisés derrière la tête et les yeux grands ouverts, je me mortifiais toujours comme si j`étais tracassé par un caillou dans mon soulier. Lancelot passait la nuit à la ferme. Étendu au pied de mon lit dans un sac de couchage sur le vieux parquet de bois brut, il ronflait grassement comme un soufflet de forge. Habitué à dormir à la belle étoile, cette hospitalité ne semblait guère l`incommodé. Soudainement, une idée me traversa l`esprit: «Et si les rats n`étaient pas en cause dans ce triste cambriolage?». Je regardais mon pote dormir d`un sommeil profond, mais hésitais à le réveiller pour lui faire part de mon idée.

La lune dansait gaiement dans le ciel pendant que moi, toujours éveillé, je demeurais anxieux comme un coq à qui on lui aurait interdit de chanter son célèbre cocorico. Éreinté pour ressentir des bosses de chameau partout sur mon corps, je m`ennuyais de mon lit bateau. Alors, histoire de me dégourdir les os, je me risquais à quitter ma couchette par un froid que seul un colon canadien peut endurer. Debout devant la fenêtre de la petite pièce du grenier, à gigoter des pieds et des bras, j`admirais les ombres bleutées du paysage quand au loin j`aperçus quelqu`un farfouiller près de l`étable à la lueur d`une lampe de poche.

(à suivre...)

Le Chat botté,

Aucun commentaire: