jeudi, janvier 04, 2007

Les deux sales rats des champs (Partie 4)

Je n`en croyais pas mes yeux. Le coeur battant à m`en défoncer la poitrine, je me demandais qui pouvait bien rôder sur le terrain de la ferme des Lamoureux à une heure si tardive. Je savais bien qu`il ne pouvait s`agir d`aucune personne de la maisonnée car, pour être encore éveillé, vif et alerte comme un veilleur de nuit, les lattes de bois des vieux planchers les auraient très certainement trahis pour aussitôt me mettre la puce à l`oreille. Tout grinçait dans la vieille maison même la robinetterie!

La lueur de la lampe de poche tanguait toujours près de l`étable. Soudainement, je vis, à travers la fenêtre, une deuxième personne sortir de l`ombre pour apparaître sous la lumière de la lune. Sans plus tarder, je m`affolais comme un pigeon blessé qui tourne en rond. Dans mon désarroi, je tentais de réveiller Lancelot: «Mon vieux, ...ressuscite-toé! Sapristi, on a des maraudeurs dans les champs...».

À genoux près de mon siffleux, je le bousculais vivement de mes deux mains pour qu`il soit secoué comme un oreiller dans un tambour de sécheuse. Mais, même avec des efforts de dément, c`était peine perdue. Mon pote agronome dormait toujours comme si rien ni personne ne pouvaient le sortir de son sommeil paisible de marmotte... Alors, refoulant bravement ma peur, je descendis rapidement l`escalier aux pas de velours. Je ne voulais, pour rien au monde, inutilement perturber la nuit de Jacinthe ni celle de son grand-père par une invasion nocturne.

En deux-temps, trois mouvements, j`étais déjà habillé de mes vêtements d`hiver et prêt au combat. J`empognais le grand tisonnier en fer près du poêle à bois et me dirigeais directement vers l`étable une lanterne au pétrole à la main. La force et l`invincibilité de Zeus m`avaient dès lors envahi! Devant une injustice, jamais je n`eus hésité à prendre des grands risques, même au péril de ma vie... Agir comme un ange séraphin, telle est ma nature! Un méfait était en train d`être commis et je devais absolument donner une bonne correction à ces malandrins.

Marchand d`un pas pressé dans un vent glacial qui me pinçait le visage, je ne me souciais guère du danger qui me guettait. Il faisait froid, et même très froid. Les verres de mes lunettes suintaient déjà abondamment et l`humidité ne tardait pas à s`agripper à ma colonne pour me faire souffrir de rhumatisme. Mais, pour être obnubilé par une idée fixe comme un chien qui coure après une balle pour la dévorer, je ne ressentais que très peu de malaises.

Arrivé près d`un mur extérieur de l`étable, j`entendis une conversation venant de l`intérieur. Il me semblait distinguer les voix d`une femme et d`un homme qui, évidemment, me furent toutes deux totalement inconnues. «Prends-en plus... Simonac!», l`un disait-il à l`autre. J`avançais lentement vers la porte entrouverte pour y jeter un coup d`oeil quand pour ne pas m`y attendre, je reçus de plein fouet un objet sur le front.

(à suivre...)

Le Chat botté,


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