samedi, janvier 13, 2007

Les deux sales rats des champs (Partie 8)

Le soir venu, alors que le ciel était plus sombre que l`intérieur d`une urne mortuaire, Lancelot et moi, roulions sur les grandes et petites routes de notre campagne. À bord d`une petite voiture blanche qui se confondait parfaitement bien dans le décor, nous recherchions nos deux voleurs des grands chemins. Comme deux limiers habitués à poursuivre des bêtes redoutables, les yeux grands et ronds et les oreilles bien tendues, nous étions à la piste de faits inconnus et cachés. Tôt ou tard, nous fûmes convaincus de retrouver nos deux sales rats des champs qui, comme les vrais, s`empressent de tout dévaliser et de tout détruire dès la tombée du jour.

Ce ne fut qu`une question de temps et de patience. Sur une route étroite, sinueuse et partiellement glacée, nous tombions aussitôt face à face avec le vieux Pick-up suspect aux phares éteints. «Fais attention! Les deux salopards sont droit devant nous...», criais-je à Lancelot. D`un coup de volant agile, mon pote évita de justesse une collision frontale. Immobilisés dans un banc de neige, nous attendions patiemment, le moteur arrêté, en souhaitant ne pas avoir été débusqués.

Nos ennemis circulaient près de nous en silence. Quelle étrange impression je ressentis à cet instant! Comme un bateau fantôme dans un épais brouillard, le vieux Pick-up des ténèbres aux vitres sales et embuées me semblait planer au-dessus de la chausée pour disparaître aussitôt au loin dans l`ombre de la nuit. J`étais prêt à jurer sur la tête de ma tendre mère que personne ne conduisait ce véhicule d`un passé lointain...

Après que les brigants se soient éloignés de nous, nous nous empressions de nous déprendre de notre fâcheuse position. Un coup de pelle ici et une coup de balai là, et nous étions déjà sur la route de la vengeance. Cependant, Lancelot me paraissait soudainement songeur et me dit: «Tu sais, quelque chose me tournicote la tête... Le rat est d`une nature intelligente. Il arrive à déjouer les pièges divers de l`homme. Et, s`il se sent en danger, il peut attaquer et mordre...». «Mais, à quoi veux-tu en venir?», lui demandais-je la gorge nouée. «Tout simplement que nous devons, toi et moi, être prudent astheure...», me répondit-il d`une voix à me faire frémir de peur.

Je connaissais assez bien mon pote agronome pour savoir qu`il ne dramatisait aucunement. C`était du sérieux! Après tout, ma bosse sur le front me rappelait toujours tragiquement leur potentielle agressivité. À quoi devions-nous nous attendre? J`en n`avais pourtant aucune idée. Mais, le cours des événements ne tardait pas à m`éclaircir les esprits...

Au tournant d`un petit chemin se terminant dans un cul de sac, deux lumières s`allumaient subitement. Elles étaient aussi éblouissantes qu`un phare dans une tempête. Sur le coup, nous étions complètement aveuglés. Les deux mains collées sur mon visage, j`arrivais cependant, après quelques instants de douleur, à distinguer entre mes doigts la devanture du véhicule récalcitrant. C`était celle du vieux Pick-up cabossé. Sa carrosserie chromée aux dents pointues me faisait étrangement penser aux crocs d`un célèbre requin blanc...

(à suivre...)

Le Chat botté,


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