vendredi, août 04, 2006

À la découverte d`un champ biologique avec Lancelot, mon pote agronome (Partie 4)

Devant cette hécatombe, mes mâchoires claquèrent et mes bras tombèrent inertes. J`étais complètement abasourdi. Comment la nature pouvait-elle être paisible et généreuse pour, d`un instant à l`autre, devenir cruelle et destructrice? J`avais beau me questionner, mouliner mes neurones, mais aucune réponse ne me venait à l`esprit. Cependant, je savais pertinemment que, malgré cette tragédie, tous les agriculteurs de ma région, dont monsieur Lamoureux, se devaient de surmonter cette épreuve afin de poursuivre leur projet pour lequel ils y ont consacré tous les jours de leur vie.

Au loin, au-delà de la cime des épinettes, le vent hurlait toujours sa colère sur la colline d`où se situe ma maison. Le démon serpent s`en était allé. Seule à mes pieds, une brume opaque, légère et humide, déferlait subtilement entre les cadavres pour répandre un étrange parfum de la mort. La lumière du jour s`atténuait doucement comme la tombée du rideau de théâtre. Jacinthe fut la première à nous rejoindre au milieu du champ. Son grand-père la suivait, loin derrière, comme s`il participait à une procession funeste. D`une main, il se soutenait fermement sur sa longue perche tordue et de l`autre, il tenait un vieux fanal de fer-blanc.

«Tout va bien?», nous demanda-t-elle sur un ton inquiet d`une mère tourmentée qui retrouve enfin ses rejetons égarés. Pour ne pas avoir été présenté auparavant, je gardais le silence. Ce fut Lancelot qui la rassurait en lui mentionnant que nous avions vécu, lui et moi, de belles émotions, semblables à celles vécues dans un manège de carnaval. Jacinthe poussa alors un long soupir et me regardait avec le visage d`un ange.

Même si dans le ciel, il ne restait plus qu`une lueur orangée en voie de disparaître dans une nuit étoilée, j`étais immédiatement envoûté par son charme et sa beauté. Je pensais qu`elle devait être incontestablement bénie des dieux! Ses longues mèches dorées, entièrement frisées, illuminaient adorablement son visage, lisse et satiné, pour la rendre encore plus ravissante qu`un rayonnement sur l`eau d`un ruisseau. Sans crier gare, Cupidon m`avait dès lors frappé avec son petit carquois!

Monsieur Lamoureux ne tardait pas à nous rejoindre. Essoufflé comme un phoque, il regardait ses plants, qui étaient couchés sur le sol, avec des yeux noyés de chagrin. Puis, après avoir repris son souffle, tout en pointant le ciel de sa perche, il mentionna à gorge nouée comme s`il s`adressait au Seigneur: «tu me mets encore à l`épreuve! Mais, avant de quitter à jamais mon champ pour te retrouver dans ton paradis, je te donnerai la preuve de mon courage et de ma volonté!».

Sur le chemin de notre retour vers la ferme des Lamoureux, Lancelot, Jacinthe et moi, nous marchions lentement et en silence, bras dessus bras dessous tout en suivant le vieil homme au pas hésitant. Soudainement, sous une douce lumière vacillante projetée par le vieux fanal, j`entrevis dans l`ombre de la mort, une longue couleuvre qui fuyait désespérément nos pas sur un sol, complètement glacé, et une marmotte qui se régalait goulûment d`un épi de maïs sucré. Je constatais alors que la vie reprenait déjà son cours habituel...


Le Chat botté,

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