mercredi, août 16, 2006

Le maraudeur

Pour sentir une légère brise fraîche d`un crépuscule du mois d`août, celle-là même qui nous chatouille l`échine et qui nous rappelle gentiment que la belle saison n`est pas éternelle, seul dans ma vieille maison sur la colline, j`allumais un feu de bois dans le foyer de la grande cuisine. Affalé confortablement dans mon fauteuil en cuir de style bergère, les deux pieds dans l`âtre de la cheminée, je me détendais comme un pacha, à regarder fixement des flammes, goulues et endiablées, de couleur bleue et jaune-orangé. Tout près de moi, "Cliffette", ce grand chien Labrador de couleur miel, se reposait, recroquevillé et les yeux fermés, dans sa grande corbeille d`osier.

L`atmosphère était douce et fluide comme la surface de mon étang aux nénuphars. Un verre de cognac dans une main et un petit cigare cubain dans l`autre, le temps défilait paisiblement dans la simplicité de mon quotidien sans que j`en eus l`impression... Seul le retentissement du carillon de l`horloge Grand-père me rappelait douloureusement, d`une heure à l`autre, que j`étais un mortel qui pouvait encore s`agiter nerveusement de tout son corps!

Sur le onzième coup sonnant, pour bayer aux corneilles depuis trop longtemps, je décidais d`abandonner ce lieu réconfortant sur le doux crépitement d`une grosse bûche se consumant. Avant de monter sur l`étage pour me coucher, je déposais délicatement mon verre sur la tablette de la cheminée à côté de "Billy", le chaton récemment adopté, qui s`était profondément endormi.

Au moment où je mis le pied sur la première marche de l`escalier, un bruit sourd m`effraya. Aussitôt, alerte comme un veilleur de nuit, je m`immobilisais un instant pour prêter l`oreille. Mais, pour ne percevoir que le souffle court et précipité de mon chien qui me regardait la gueule grande ouverte avec la langue pendante, je poursuivis tranquillement mon chemin vers mon lit douillet en me convainquant qu`il devait s`agir, sans doute, du vent qui hurlait dans la cheminée!

Allongé sous une chaude courtepointe cousue par les mains de ma mère, les bras sortis et les doigts entrecroisés sur ma poitrine, je m`apprêtais à m`endormir quand j`entendis un autre bruit, similaire au précédent. Immédiatement, "Cliffette" aboya à la meute. Je savais que par son timbre de voix, différent, il était méfiant envers un étranger qui avait pénétré son territoire. Le corps crispé, les oreilles dressées et les deux pattes avant agrippées sur le rebord de la fenêtre à carreaux entrouverte, il se faisait un devoir de nous défendre, "Billy" et moi.

Le pauvre s`affolait toujours. Tout d`un coup, une fumée à l`odeur âcre et piquante s`infiltrait sournoisement dans la pièce pour me monter au nez. Inquiet comme si j`étais en proie à une dangereuse folie, je me redressais comme un pic et sautais d`un bond, les pieds joints, pour me diriger vers la fenêtre derrière mon précieux ami. Les poings serrés et le coeur battant, je savais pertinemment qu`il ne pouvait s`agir d`un petit animal rôdant dans la pénombre.

Les yeux écarquillés comme ceux d`un chat dans l`obscurité, je tentais d`apercevoir quelque chose, mais peine perdue. Le ciel étoilé de ma campagne des Laurentides s`était éclipsé dans une nuit plus ténébreuse et dangereuse que le fond de la mer! Pas une faible lumière ne me permettait de distinguer une quelconque silhouette. Seule une petite lueur rouge, étincelante, se manifestait sous mes yeux comme l`oeil du diable!

(à suivre...)


Le Chat botté,

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