dimanche, août 13, 2006

Une nature belle à croquer (Partie 3)

Sur le chemin de la ferme, pour avoir l`habitude de contempler la nature verdoyante dans ce qu`elle a de plus merveilleux, je n`avais d`yeux, cette fois-ci, que pour les adorables petites boules de poils que je tenais précieusement dans mes bras comme s`il s`agissait d`un trésor.

Pas plus haut que trois cerises, mais déjà aisément agiles et espiègles, je pouvais douloureusement sentir, sur mon corps désormais meurtri, leurs petites griffes aussi piquantes et acérées qu`une aiguille de chirurgien! "Chausette", la femelle, se faufilait entre mes pas pour, de temps à autre, se caresser doucement la joue sur l`une de mes jambes tandis que "Le p`tit lion", nous suivait de loin comme s`il était alléché par l`odeur de mon sang...

Arrivé devant le perron de bois de cette vieille maison chaleureuse peinte d`un blanc immaculé, j`aperçus le vieux fermier s`occuper dans son champ récemment ravagé par l`orage. Ne voulant l`importuner que pour si peu, après avoir déposé les petits démons sur le sol, j`avais décidé de m`en retourner sur ma colline pour revenir après le souper. Mais, soudainement, j`entendis une douce voix qui me saisissait comme si une légère brise m`avait rafraîchi le corps par une journée chaude et écrasante. À l`instant séduit, je me retournais comme une girouette. À travers une porte-mousticaire, une demoiselle au regard pétillant m`observait curieusement. C`était Jacinthe, la petite fille de monsieur Lamoureux.

Tel un idiot, je demeurais immobile comme un coq en plâtre. Tout d`un coup, elle ouvrit la porte, glissa un pas devant l`autre comme dans une marche nuptiale et déposa doucement ses petites mains à la peau satinée sur la rampe aux montants joliment sculptés. «Vous vous souvenez de moi?», me demanda-t-elle avec un sourire discret. Je tentais de répondre, mais peines perdues. J`étais comme ensorcelé par un sortilège! Je ne pus, malgré tout, que bredouiller un ou deux mots incompréhensibles, tout en hochant nerveusement la tête en signe d`affirmation. Pour l`avoir trouvé séduisante, l`autre jour, dans le champ de son grand-père sous un ciel colérique à terroriser le plus insensible des adeptes de films d`épouvantes, elle était là, devant moi, aussi belle et charmante qu`un ange incarnant le ciel.

Jacinthe était attifée d`une jolie robe décolletée en fine popeline de coton aux doux imprimés fleuris. Ses cheveux, dorés comme le soleil, étaient liés par un ruban assorti à sa robe et ses yeux de la couleur bleue, comme le ciel et la mer, brillaient autant sinon plus que deux étoiles scintillantes.

Je continuais toujours de l`admirer, en silence, jusqu`au moment où elle s`approcha vers moi pour me demander si j`étais désireux de rencontrer monsieur Lamoureux. Immédiatement, j`abandonnais mon état léthargique d`un poisson qui agonise sur la banquise, et lui répondis que non. Je ressentais alors une étrange sensation. Tous mes sens étaient bouleversés, empreints de concupiscence! Mes jambes étaient molles comme une poupée chiffon et mon coeur battait à la chamade. Son léger parfum d`agrumes m`exhalait les narines au point de ressentir une envie folle et irrésistible de la prendre dans mes bras, de la serrer fort contre ma poitrine et de l`embrasser. Mais, même si je m`extasiais comme un albatros qui se laisse librement porter dans un courant d`air au-dessus de l`océan, je demeurais néanmoins aussi nerveux et anxieux qu`un enfant le premier jour de classes!

M`apercevant, sans doute, complèment subjugué par le sentiment de plénitude, la bouche grande ouverte et les yeux hagards, elle déposait ses mains sur les miennes et me donna un doux baisé sur les lèvres. Aussitôt, pour me surprendre, un petit démon grimpa sur ma jambe comme sur le tronc d`un arbre. Poil pour poil identique à son paternel, il me démontrait, à sa manière, son affection en me chatouillant le cou de petites lichettes chaudes et rugueuses. Sur le coup, Jacinthe ne put s`empêcher de rire aux éclats! Et, sur ce bonheur instantané, attrapé au filet de l`amour, je lui demandais gentiment si je pouvais la soustraire de ce petit fardeau ce qu`elle ne refusa point...


Le Chat botté,

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