mercredi, septembre 06, 2006

Lancelot s`en va-t-en guerre (Partie 5)

L`attente fut longue et pénible. Entretemps, une brise humide et saturée d`eau s`était infiltrée dans la pièce pour me glacer le dos. Du coin de l`oeil, je pouvais apercevoir de la fenêtre, une brume opaque qui s`élevait du sol pour entièrement assombrir mon paysage de bleu teinté nuit. Pour être tantôt dans les affres de l`eau-de-vie, j`étais dès lors totalement dégrisé. Car, même avec ses lunettes de vision nocturne, mon pote était désormais fichtrement mal foutu comme un aveugle sans canne blanche ni chien-guide!

Les bruits de pas résonnaient toujours comme si quelqu`un s`amusait à faire le sot pour piétiner sur place. Mon chien "Cliffette" avait les oreilles bien tendues. Je lui ordonnais de rester sur ses gardes. Soudainement, un feu d`artifice explosa, suivi d`un deuxième. Tout le ciel de ma campagne s`illuminait de couleurs multicolores. Puis, vint une décharge de carabine. Un tir n`attendait pas l`autre comme dans un peloton d`exécution.

Ma colline s`était transformée en un redoutable Champ de mars! Mais, je n`eus longtemps à me ronger les os pour que l`ennemi soit terrasé. Aussitôt, parmi des aboiements graves et rauques, j`entendis un cri horrifiant et persistant comme si on avait saigné un goret. Mes tympans en prirent un coup! J`étais devenu dingue, prêt à me jeter, la tête piquée devant, dans le gouffre de la folie...

Après avoir vécu un instant à me couper le souffle, vint un silence de mort. Comme si la Grande faucheuse avait oeuvré à mon insu, pas le moindre bruit ne venait me chatouiller les oreilles fragiles et crevées. Encore une fois, je me laissais emporter par mes petits scrupules. «Et si le forcené avait d`abord abattu mon ami pour ensuite venir me tuer?», pensais-je à voix haute tout en sanglotant de tous mes membres. Je savais que même si l`ennemi tombait au sol, ce n`était pas un gage de victoire... Dur comme le roc et immortel comme un démon, le vieil homme pouvait toujours se relever pour achever son travail!

Pendant que je me tourmentais dangereusement, lentement la porte d`entrée s`ouvrit. Son grincement sinistre me donna la chair de poule. J`avais envie de vomir. Aussitôt, "Cliffette" se cheminait rapidement vers ce lieu maudit. Toujours cambré dans mon fauteuil comme un écureuil dans son nid, entièrement convaincu de mourir dans la seconde d`une fin atroce, je me risquais, tout de même, à y jeter un coup d`oeil.

Pour me rouler les yeux dans une lumière diffuse provenant d`une veilleuse de nuit, je reconnus la silhouette de Lancelot. À cet instant, je poussais un long soupir de soulagement. Jamais je ne fus aussi heureux! Mon pote agronome s`en était tiré courageusement pour être sain et sauf. Sans plus tarder, je me levais pour le retrouver. Mais, avant de bondir sur lui comme un veau dans un champ de luzerne, je remarquais qu`il tenait dans ses bras le corps inerte d`une femme. J`étais complètement estomaqué! «Regarde qui est tombé dans notre embuscade!», me dit-il d`une voix enraillée. C`était Jacinthe! «Mais, que diable venait-elle faire sur ma colline dans le noir?», bredouillais-je.

(à suivre...)

Le Chat botté,

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