jeudi, septembre 14, 2006

Lancelot s`en va-t-en guerre (Partie 8)

Je savais qu`un épais brouillard de ténèbres avait tragiquement pris possession du ciel nocturne de ma campagne. Afin d`éviter de faire poireauter davantage monsieur Lamoureux pour que, l`humidité et le froid, pénètrent jusqu`à la moelle de ses os, je m`empressais de lui ouvrir la porte.

Aussitôt le passage libre, il s`introduisait rapidement comme un ours en colère pour s`immobiliser au milieu de la grande pièce. D`un demi-tour de tête, il scrutait les moindres recoins. Il semblait nerveux et préoccupé. «Quel bon vent vous amène?», lui dis-je, hésitant. Sans m`en attentre, il se retourna brusquement vers moi pour me jeter un regard stoïque. «Qu`as-tu fait de ma p`tite fille?», me demandait-il sur un ton grave et poignant tout en brandissant dangereusement son long bâton de pèlerin, tordu et noueux, dans ma direction. J`étais perdu comme un loup solitaire! Je cherchais à comprendre ce qui le motivait ainsi, quand une voix douce et frêle se fit entendre en sourdine: «Grand-pâ! ...Ne te fais pas de mauvais sang pour moé, je suis là!». Immédiatement, le pauvre diable exalté abaissait son arme pour rechercher Jacinthe. À quatre pattes sur le canapé, la misérable se remuait comme un ver pour se débarrasser de la couverture de fourrure sous laquelle elle s`était cachée.

Dès que le vieux fermier eut repris ses esprits et que moi, le malheureux, je me sois remis de mes émotions, j`invitais tout le monde à venir se détendre devant un chaleureux feu de bois que Lancelot venait tout juste de réanimer dans le foyer. Je déposais une bouteille de Whisky et des verres sur la table d`appoint et offris à qui le désirait, un Montecristo. À ma grande surprise, aucun ne rechignait l`un de mes petits cigares roulés à la main. Même Jacinthe se laissait tenter par une petite douceur de la Havane!

Lorsque les nerfs, les tendons et les muscles tendus de chacun s`étaient relâchés sous les effets de quelques petits plaisirs de la vie, je me risquais à leur demander, à monsieur Lamoureux et à Jacinthe, la raison de leur venue. Aussitôt, le grand-père semblait indisposé. La tête penchée vers le sol, il claquait bruyamment du talon au rythme du tic-tac de l`horloge. Jacinthe me regardait le visage rougi comme si elle avait été prise en faute... «Pour avoir entendu quelques bribes, je savais que toi et Lancelot, vous complotiez quelque chose dans le dos de Josephat...», me soufflait-elle entre les dents serrées. Instantanément, mon pote agronome agita nerveusement ses doigts sur le rebord de la tablette de la cheminée pour attirer mon attention. Il m`affichait un empathique petit sourire narquois. Faisant fi de son attitude de gamin, je me détournais de lui pour interroger à nouveau Jacinthe: «Josephat: Qui est-il?». «C`est l`idiot du village!», me répondit-elle.

(à suivre...)

Le Chat botté,

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