samedi, septembre 02, 2006

Lancelot s`en va-t-en guerre (Partie 3)

En quittant la ferme des Lamoureux, tout en marchand d`un pas rapide, nous élaborâmes à voix haute un plan d`action à la manière de soldats d`élites. Comme des frères jumeaux, nous complotions une frousse de tous les démons que le vieux torrieu n`était pas prêt de revivre!

Il était convenu que mon pote agronome se rendrait chez ses parents pour se procurer quelques feux d`artifice, une vieille carabine à plombs et des lunettes de vision nocturne qu`il venait tout juste d`acheter dans une vente de débarras, pendant que moi, je me cheminerais directement vers ma vieille maison sur la colline.

Le soufle court et tout en sueur, Lancelot arriva peu de temps après, les bras chargés d`artilleries. Sachant où le vieil homme se tenait la veille au soir pour en avoir été informé au préalable, il s`occupait déjà à installer ses pétards à mi-hauteur dans la terre. Par la suite, d`un petit coup d`oeil, il identifiait rapidement le trou dans lequel il se terrerait dans le noir pour guetter le moindre mouvement suspect. Puis, comme un boulet de canon tiré verticalement, il vint vers moi pour me donner ses dernières consignes.

Tout était fin prêt avant le moment tant attendu! Nous nous donnions une vigoureuse poignée de main, crachèrent chacun, trois fois par terre, et ensuite, hurlions aux loups notre joie dont l`écho résonna aisément à mille lieux. L`heure de la revanche avait sonné...

Dès la tombée de la nuit, pour ne savoir quand le scélérat allait de nouveau se pointer, l`oeil du diable au bec, Lancelot se cachait aussitôt derrière un arbrisseau tout près de la maison. La veillée se faisait fraîche et humide. Sous un ciel étoilé, mais toujours sans lune, une colonne ondulée de fumée blanchâtre s`élevait fièrement de mon étang. J`aurais cru discerner de cet endroit mystérieux, une danse macabre de chimères se donnant la main de vie à trépas! C`était le prélude d`une nuit terrifiante où l`existence d`un gai folichon, aux idées malicieuses, allait soudainement basculer dans l`angoisse...

Avec ses lunettes de vision nocturne sur le nez, mon complice devait sans difficulté apercevoir, mes chauve-souris voltiger follement de belles pirouettes, mon matou errant, à la crinière ébouriffée, rechercher inlassablement de quoi se mettre sous la dent, et toutes les autres bêtes sauvages qui, soir après soir, viennent rôder près de ma maison. Comme un chat dans l`obscurité, rien ne pouvait donc lui échapper à son attention!

De mon côté, je suivais ses directives comme si ma vie en dépendait. Pour ne pas éveiller des soupçons, comme la veille à pareille heure, j`allumais un feu de foyer et je m`affairais à mes occupations habituelles, c`est-à-dire: rien sinon m`affaler comme un pacha dans mon fauteuil préféré, un verre d`alcool dans une main et un cigare cubain dans l`autre.

Tout était calme dans ma campagne, mais je demeurais pourtant agité comme un sabot! Le temps me paraissait terriblement long. Je gigotais des pieds et resserrais sans relâche mes poings pour que mes articulations émissent des craquements aux mélodies sinistres. Je pensais à mon meilleur ami qui, seul dans le noir, attendait patiemment comme un fauve en chasse. J`aurais voulu être à ses côtés pour le supporter dans sa témérité et ainsi partager son festin d`un bonheur incommensurable de vengeance.

(à suivre...)

Le Chat botté,

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