lundi, septembre 11, 2006

Lancelot s`en va-t-en guerre (Partie 7)

Sur le premier cognement retentissant, "Cliffette" bondissait rapidement vers la vieille porte d`entrée. Le regard soutenu, les poils du dos dressés, et la queue haute et raide, il grognait furieusement les babines retroussées. Un danger était tout près... "Billy" le chaton, qui venait tout juste de reprendre ses habitudes de marmotte sur la tablette du foyer, déguerpissait encore une fois vers un ailleurs plus tranquille et sécurisant.

Un verre d`élixir à la main, Jacinthe le laissa aussitôt tomber à ses pieds pour qu`il éclate en mille morceaux. La pauvre n`avait même pas eu le temps ni le plaisir d`y tremper ses petites lèvres en forme de tulipe! Lancelot tournait en rond, affolé comme un pigeon blessé, pendant que moi, contrairement à mes habitudes, je demeurais calme, mais non pas sans être inquiet. En un rien de temps, l`atmosphère redevint tendue sur un fond de suspenses et de suspicions!

On cognait toujours à la porte avec vigueur. Sans avoir idée qu`elle était faite de bois massif, épaisse de trois pouces, j`aurais cru qu`elle était sur le point de céder sous des coups de savate. Recroquevillée sur le canapé comme un colimaçon et entièrement dissimulée sous une couverture de fourrure, Jacinthe gémissait sans retenue.

Tout d`un coup, sans crier gare, le lion rugissait à pleins poumons: «allez-vous-en!». Mais, rien n`y faisait. Le calvaire se poursuivait de plus belle... Je me risquais le premier à mourir sous la torture en me dirigeant à pas de loup vers le vestibule. Subitement, comme si l`imposteur avait senti ma présence, il cessa de s`acharner comme un bouc. Un silence de mort courait dès lors dans toute la pièce. Nous étions tous muets comme des cadavres. Même "Cliffette" s`était tu pour s`accroupir le ventre sur le parquet! Seuls un claquement de dents et des crissements de bottes venaient adoucir cette étrange et terrifiante musique des abîmes.

Soudainement, je vis la poignée tourner lentement pour grincer horriblement. Quelqu`un essaya d`ouvrir la porte. Sans plus tarder, je me dépêchais de fermer le loquet en fer forgé et m`éloigna de cet endroit maudit pour rejoindre mon pote agronome. Accroché à lui comme un pot de colle, je pouvais voir ses yeux exorbités, la bave dégouliner de ses lèvres, et sa poitrine se gonfler terriblement comme un ballon en baudruche. Il arrivait à peine à dissimuler sa nervosité... Aussitôt, pour ne plus se contenir, Jacinthe cria de toutes ses forces. Son cri fut si perçant qu`elle avait dû réveiller tous les morts du canton!

Le temps nous avait tragiquement perdus de vue. Pour avoir jeter un coup d`oeil rapide sur l`horloge, la grande aiguille de la pendule semblait lambiner sur place. Il était une heure du matin. Je me tourmentais pour essayer de décortiquer l`incompréhensible quand, venant de l`extérieur, une lumière jaunâtre déferla sur tous les murs de la pièce pour nous éblouir les yeux. Derrière la fenêtre de la cuisine, un individu demeurait immobile, cambré et suspendu à un long bâton. Il tenait un fanal à la main. Même si cette silhouette n`avait rien d`humaine, elle me rappela quelqu`un. Je m`approchais sournoisement de quelques pas et immédiatement, je reconnus monsieur Lamoureux. Sans même rechercher Jacinthe du regard, je lui criais le coeur réjoui: «Jacinthe! N`aie plus peur... C`est ton grand-père!», J`étais dès lors soulagé et apaisé comme un enfant perdu qui retrouve enfin sa mère. Sans le savoir, je m`étais tordu les tripes pour rien!

(à suivre...)

Le Chat botté,

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