mercredi, novembre 01, 2006

La catastrophe (Partie 3)

Aussitôt, Jacinthe apparaissait devant moi sous la table accroupi comme un enfant dans son carré de sable. «Que fais-tu là, mon p`tit lapin?», me demandait-elle le regard étonné. «Mummm... Je cherchais une carotte à gruger...», lui répondis-je en faisant une mine de réfléchir. Instantanément, ma chouchoute s`éclatait de rires. «Enfin, un premier rayon de soleil qui illumine ma journée!», pensais-je à voix haute.

Inquiet pour en perdre la tête, je ne tardais pas à la questionner sur la raison de toute cette agitation. Sur le coup, je vis la beauté de son sourire angélique disparaître comme par enchantement. Sous mes yeux horrifiés, son visage se transformait tragiquement pour devenir grave et limpide. Je sentis alors toute l`ampleur de la tragédie qui s`était abattue sur cette famille de cultivateur.

Jacinthe restait un instant silencieuse sur une misère aux yeux noyés de chagrin. Puis, avec une voix gémissante à me nouer la gorge et à me serrer le coeur, elle me dit: «nous allons peut-être perdre la ferme...». Immédiatement, je la pris dans mes bras et la serrais fort contre ma poitrine. Ensemble, nous étions blottis sous la table comme deux oiseaux frileux, au fond d`un nid.

Sans pour être un spécialiste de la gestion de la terre et de ses ressources, je me doutais bien qu`avec les piètres résultats des dernières récoltes et des dettes excessives accumulées dus à des coups élevés de production par rapport à des prix relativement bas des produits de vente, qu`un jour à l`autre, plus aucun arrangement ne serait possible entre monsieur Lamoureux et ses créanciers.

Subitement, je sursautais comme un polichinelle jaillissant de sa boite à surprise. Le sachant atterré par ce qui lui arrivait, vieux et malade, je me faisais du sang de punaise pour mon vieil ami. Je sortis alors rapidement de ma cachette en entraînant Jacinthe aux pas de course vers l`endroit où le grand-père se défoulait plus tôt. À ma grande surprise, le spectacle était des plus désolants. Assis sur son vieux coffre d`outils, les jambes écartées, le corps arqué comme un point d`interrogation et la tête vers le bas, le vieux fermier murmurait des mots confus que seul un ivrogne d`habitude aurait pu en saisir la portée.

Pour le voir dans cet état de misérable, il me faisait pitié. J`étais bouleversé, triste et pensif. Le pauvre diable, comme bien d`autres cultivateurs, s`était tuer à l`ouvrage tous les jours de sa vie, du matin au soir, et même contre les caprices de Dame nature, pour cultiver les ingrédients du pain, le symbole de la nourriture et de la vie. Jamais ne s`était-il douté que tous ses efforts lui procureraient un sort pire que celui de la mort... À l`ère du développement durable, je pensais qu`il ne suffisait pas simplement de soutenir la terre pour qu`elle soit d`une meilleure qualité, mais aussi la soutenance humaine, afin de préserver l`avenir de l`agriculture. Je demandais donc à Jacinthe de m`aider à le transporter jusqu`à sa chambre pour qu`il puisse récupérer le plus rapidement possible de ses émotions.

Le Chat botté,

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