vendredi, décembre 15, 2006

Ma vie sans dessus dessous (Partie 9)

La neige tombait toujours en rafale mais sans toutefois s`accumuler au sol. Contraint d`être étendu comme une poupée chiffon, le corps sans vie, je me sentais vraiment bêbête! Seuls le bruit de nos respirations ardues et le crépitement du feu de camp retentissaient à mes oreilles gelées.

Rocky ne marmonnait plus. Parfois, il bougeait nerveusement du pied ou de la main, mais sans plus. Il me semblait disparu dans un monde qui me fut inconnu. Heureusement que le feu se faisait réconfortant et gigantesque. Haut de plus de trois mètres, il nous tenait au sec.

Toutefois, il ne fallut pas longtemps pour que je sois de nouveau troublé. Mon approvisionnement de brindilles, difficilement obtenu, se volatilisait rapidement en un tas de poussière et de cendre comme de l`eau sur un bithume irradié par un gros soleil. Tout autour de moi, j`avais dérobé à la forêt ce qu`elle avait laissé pour compte en combustible. Plus rien ne tombait sous ma main, même pas un petit bout d`écorce d`arbre moisi... Alors, avant de me retrouver au dépourvu dans une noirceur totale d`une nuit automnale, je rampais de nouveau pour rechercher de quoi alimenter le feu.

Face contre le sol, froid et rugueux, j`avançais lentement comme un escargot sur un tapis d`épines de sapin. À chacun de mes déhanchements douloureux, je grimaçais en silence tous les démons de la terre. Je cru qu`un boulet enflammé se retrouvait coincé dans l`une de mes jambes. Pourtant, malgré ma misère, je trouvais le courage de progresser entre des arbres denses et ramifiés.

Dans cette position inconfortable, tout me paraissait cependant différent. La majestueuse fougère à l`autruche que je foulais naguère insouciamment du pied m`enveloppait soudainement de ses longues tiges retombantes. Sous mon nez s`étalaient gracieusement des crottes de cervidés comme un jeu de petites billes. À cet instant, j`eus l`impression de me retrouver dans l`univers magique d`Alice aux pays des merveilles...

Pourtant, mon bonheur d`un gamin étourdi ne fut que de courte durée. Pour me glisser à la veuglette, je m`empêtrais dans les tiges épineuses d`un arbrisseau. À chaque mouvement, ma chair se déchirait et partait en lambeaux. Cette nouvelle douleur m`était tout aussi insupportable. J`étais désormais pris au piège comme un rat dans une souricière de laboratoire. Plus de feu pour ne me réchauffer ni pour ne me protéger, je me transformais rapidement en un appât de viande, crue et fraîche, pour tous les prédateurs de la forêt, petits et grands.

(à suivre...)

Le Chat botté,

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