lundi, décembre 04, 2006

Ma vie sans dessus dessous (Partie 5)

Sur le sol rocailleux et passablement sec de la forêt dense, je pouvais, sans crainte, presser le pas vers l`endroit d`où provenait le gémissement. Car, avec un mois de novembre pluvieux, l`eau de la rivière avait largement débordé de son lit pour recouvrir une grande partie des champs de ma campagne. Seules les hautes terres furent épargnées. Tout le reste était inondé! Un vrai déluge... Les souris et les mulots fuyaient de tous bords tous cotés!

Un autre gémissement d`un mourant se fit entendre. Il me semblait provenir derrière un énorme pin blanc situé de l`autre côté d`un ruisseau. Trop large et profond pour l`emjamber d`un bond, il m`était impossible de le traverser sans me risquer à marcher sur un amoncellement de pissettes de bois entrelacées qu`un gros castor au ventre dodu s`affairait à construire de ses longues et puissantes incisives de couleur orangées.

Comme un chat, je m`approchais sournoisement vers cet animal pour ne pas l`effrayer. Mais, le p`tit torrieux me repéra aussitôt, malgré mes précautions. Feulant en voûtant son dos et en hérissant ses poils d`un brun foncé, il essayait de m`intimider avant de se glisser subtilement comme un poisson dans les profondeurs du ruisseau.

Fier et courageux, je désirais plus que tout de surmonter cet obstacle pour rechercher Rocky. Un pied devant l`autre, j`avançais à pas de tortue. Je pouvais sentir le courant de l`eau qui tentait de forcer le barrage. Tout me semblait fragile comme un jeu de cartes. Un mauvais mouvement et je me gratifiais d`une p`tite baignade dans l`eau nordique dont la température devait inévitablement se situer près du point de congélation.

Le défi me paraissait plus périlleux que je me l`étais imaginé. Parfois, une partie du barrage cédait sous le poids de mon corps. Heureusement, qu`au milieu de cet amoncellement, deux jeunes arbres, solides, droits et vigoureux, me permettaient de m`agripper le temps de soupirer. Mais, au moment où je m`apprêtais à franchir les deux-tiers du trajet, le castor réapparaissait à la surface de l`eau et siffla. Le pauvre était de mauvais poils, pensais-je...

Faisant fi de sa présence, je poursuivais mon chemin d`un pied prudent, prêt à s`avancer, se rétracter ou reculer quand, je le vis s`approcher rapidement vers moi comme une torpille. Les yeux furibonds, il me semblait en beau fusil! Aussitôt, il toquait l`eau de la rivière à l`aide de sa queue aplatie et rugueuse d`écailles coriaces. Un éléphant jouant gaiement dans un étang avec sa trompe ne m`aurait pas plus éclaboussé de la tête aux pieds... Complètement déstabilisé, je perdis pied et tomba à l`eau.

(à suivre...)

Le Chat botté,

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