lundi, octobre 30, 2006

La catastrophe

Je venais tout juste de tomber comme une pierre dans mon lit qu`aussitôt la sonnerie du téléphone retentissait bruyamment à mes oreilles. Raqué comme une barre de fer pour avoir la veille, déambuler comme un damné dans l`obscurité d`une forêt, froide et humide, il m`était pratiquement impossible de bouger malgré ma volonté. Mais, à force de me démener comme un marteau-pilon à la cadence d`une locomotive pour tenter de décrocher le combiné que je réussissais à prendre la communication après avoir roulé en bas de ma couchette complètement entortillé dans mes couvertures.

À l`autre bout du fil quelqu`un balbutiait rapidement des mots de détresse qui me semblaient incohérents. Il était vrai qu`à ce moment-là, ma tête était sur le bord d`exploser comme un maïs soufflé baignant dans l`huile chaude. Alors que je cherchais à reprendre mes esprits qu`immédiatement je reconnus la voix de Jacinthe: «Minou! Minou! ...Viens vite à la ferme, Grand-Papa pète les plombs...». Dès lors redressé comme un nigaud, je me dépêchais de me libérer de mon carcan afin de retrouver ma mignonne qui me semblait, encore une fois, elle aussi sur le point de craquer...

Dans ma hâte, j`avais oublié d`enfiler de chauds vêtements pour me protéger d`un froid de canard. Nerveux et angoissé, j`étais perturbé comme un appareil de mesure déréglé. Cet appel eut sur moi l`effet d`un électrochoc! Courant vers la ferme des Lamoureux, je n`avais même pas pris conscience qu`à cet instant, je foulais un sol gelé légèrement recouvert d`une première neige. La fale à l`air dans des habits de nuit, une ou deux orteilles égarées à travers de vieilles pantoufles, seul mon coco était réellement protégé d`une casquette à rabats en poils de lapin.

Arrivé devant la porte entrouverte de la "ched" à outils, j`étais estomaqué par ce que je vis et entendis. Le vieux fermier se déchaînait comme un torrent embrasé que rien ni personne ne pouvaient arrêter. De sa bouche ne sortaient qu`obscénités, insultes et blasphèmes accompagnés de crachats répugnants. Les poings brandis vers le ciel et tournant en rond pour parfois donner des coups de pied dans le vide, jamais je ne l`avais vu dans un tel état. Il me semblait en furie. Soudainement, je sentis quelque chose frôler de près ma casquette pour qu`elle se renverse sur le sol. Sans la voir venir, une bouteille de bière survolait ma tête comme un projectile pour se fracasser en mille morceaux derrière moi. Dans un excès de colère, le grand-père était complètement déboussolé.

(à suivre...)

Le Chat botté,

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