mercredi, octobre 18, 2006

Le vieux fermier n`était pas complètement mort! (Partie 3)

Me tenant droit comme un échalas dans le seuil de la porte de la maison des Lamoureux, je regardais Lancelot d`un oeil curieux et sondeur. Son visage demeurait froid et implacable. Je compris alors le sérieux de son attitude sans toutefois me douter de l`étendue des conséquences. Aussitôt, il sortit de sa poche un bout de papier plié et m`informait qu`il avait reçu les résultats des analyses d`échantillonnage de grains provenant des cultures de la ferme. Je le dévisageais toujours impatiemment quand, pour être contraint comme un prisonnier, il poussa un long soupir avant de me dire: «rien n`est valable pour les standards élevés du marché biologique ni même pour nourrir les animaux de l`étable durant l`hiver à venir!».

Immédiatement, mes bras tombèrent inertes. Je compris alors que toutes les récoltes avaient été contaminées! Comment Jacinthe qui, déjà fortement bouleversée, allait-elle surmonter cet obstacle? Je savais de par ses dires, qu`en surplus d`être malade, le grand-père était grandement endetté et qu`il travaillait comme un forcené du matin au soir pour presque rien, juste de quoi survivre gentiment...

Agité pour en avoir le vertige, je cherchais désespérément une chaise pour m`y reposer. Je restais un moment accoudé sur la table de la cuisine, tenant ma tête à deux mains, quand je remarquais sous mes yeux une offre d`achat pour la ferme. Pour me douter que le vieux fermier était entre le ciel et la terre, des salopards, sans scrupules, n`hésitaient pas un seul instant à profiter de la situation pénible et cruelle...

Cette deuxième mauvaise nouvelle eut sur moi une onde de choc, à un tel point que je n`arrivais plus à me contrôler. C`était sans doute ce torchon qui mit Jacinthe dans tous ses états. Comme un chien fou qui court après sa queue, je maudissais à tue-tête tous les escrocs de la terre. Immédiatement, mon pote agronome m`empoigna pour me saisir et me dit: «c`est pas en te défoulant comme un abruti que tu vas régler tous les problèmes...». Avec son regard paternel et sa voix ferme, il était le seul à pouvoir me calmer quand j`étais en colère. À bout de nerfs et la tête baissée, une larme ne tardait pas à s`échapper pour couler doucement sur ma joue.

Soudainement, j`entendis résonner partout dans la maison un bruit de pas comme si quelqu`un à la jambe de bois s`apprêtait à surgir de nulles part. À peine n`eus-je le temps de faire un demi-tour de tête que monsieur Lamoureux apparaissait devant moi, toujours suspendu à son long bâton tordu. Même s`il arborait un visage à l`aspect cadavérique d`un fantôme, le vieux fermier n`était pas complètement mort. Il y avait dans ses yeux une lueur d`espoir. Puis, sans plus tarder, comme le prophète Mahomet, il brandissait sa main en col de cygne dans les airs et invoquait le Seigneur de lui donner encore la force de combattre avec ténacité et courage les coups bas que la vie lui imposait toujours.


Le Chat botté,

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