dimanche, octobre 01, 2006

Rocky, mon héros! (Partie 2)

Le veau ne tarrissait pas de gambader pour parfois zigzager d`un côté à l`autre de la route. Je tremblais à l`idée de le voir se faire frapper sous mes yeux par une voiture ou un tracteur. Pendant ce temps, Rocky s`occupait toujours à couper son bois à la tronçonneuse la cigarette au bec. Affolé comme un bouc, j`avais beau crier à tue-tête, mais rien n`y faisait. Alors, j`accourais vers lui pour l`en informer.

Arrivé derrière lui, la langue pendante et soufflant comme un phoque, je lui faisais des simagrées mais que seul un vieux singe pouvait sans doute comprendre. Rocky me semblait indifférent. Le moteur de sa machine au bruit infernal tournait toujours pendant que moi, j`étais sur le point de m`écrouler sur le sol, à bout d`efforts. Fatigué de faire le pitre, je lui criais dans le creux de son oreille: «Ton sacripain de veau à sacrer le camp sur le chemin...». Immédiatement, d`un geste téméraire et quasi insensé que seul un bûcheron en est capable, il éteignit sa cigarette à l`aide de sa tronçonneuse pour que j`aperçusse le bout incandescent s`envoler dans le ciel comme une fusée... La bouche grande ouverte, je n`en croyais pas mes yeux! Pour voir passer la lame à chaîne sous son nez, je crus, un instant qu`il était devenu fou. Mais, il en était rien. Après avoir glissé le reste de sa précieuse cigarette derrière son oreille, il déposait minutieusement sa bebelle du diable sur le sol pour ensuite bondir dans son vieux Pick-up et démarra en trompe.

Debout et immobile comme un coq en plâtre, une seconde n`eut tombée pour que je fus entièrement enseveli dans un épais brouillard de poussières brunâtres. Étouffé comme la corde au cou, à cet instant, j`aurais cru mourir... Perdu comme seul au monde, je tentais tout bonnement de survivre quand je vis une lumière transpercer mon nuage des ténèbre. C`était le Pick-up de mon héros qui s`immobilisait dangereusement à un poil de ma carcasse. «Monte au plus sacrant, je vais avoir besoin de ton aide...», me criait-il. Immédiatement, j`embarquais dans son engin comme un gamin heureux dans un parc de voitures tamponeuses...

Aussitôt sur le chemin, je l`informais de la direction vers laquelle le p`tit fugueur s`en était allé. Mais, avant même que j`eus le temps d`attacher ma ceinture de sécurité, au sommet d`une route étroite, nous apercevions au loin la devanture d`un grand camion renversé sur le côté. Sans plus tarder, je sentis Rocky s`énerver pour se manger les lèvres. Au milieu de la chaussée, un costaud s`agitait nerveusement comme un singe en cage parmi une multitude de caisses de bière. Les poings en l`air, le pauvre diable babillait tout le vaisselier québécois entre ses dents serrées. Entre deux jurons bien salés, je me risquais tout de même à lui demander la cause de tous ses malheurs. Sans même me souffler un mot sinon un autre sacre, il me pointait du doigt un pâturage où, par bonheur, le p`tit torrieux, sain et sauf, s`excitait parmi des moutons affolés qui sautaient de tous bords tous côtés.

Bon gentlemen que je suis, je tentais de consoler le camionneur pendant que mon héros s`affarait déjà à capturer son veau. Mais, avant même que j`eus le temps de décapsuler une bouteille de bière qui avait roulé jusqu`à mes pieds, je m`estomaquais de ce que je vis. À la manière d`un cow-boy de l`Ouest, Rocky contourna son veau aux yeux très noirs, tira sur sa queue et le traîna de force jusqu`à son Pick-up pour l`attacher. Bouche bée devant sa dextérité, je me convainquis que mon héros fut très certainement imprégné de sa vie entière de la culture de la terre et des animaux...

Le Chat botté,


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