mercredi, octobre 11, 2006

Sérénade sous le vieil érable coloré (Partie 3)

Il était amusant de les voir s`approcher vers nous, le pas dandinant, le corps redressé et battant des ailes. À peine épeurées, elles semblaient bien tolérer notre présence pour être un tantinet curieuses. Maladroitement, le mâle, -qui est généralement plus grand que la femelle-, tentait de subtiliser mon cordon de bottine à l`aide de son bec à lamelles, tandis que la femelle, immobile, nous jaugeait de ses yeux noirs tout en émettant un cancanement profond presque musical. Pour être aussitôt charmé par cette sérénade, j`aurais cru qu`elle me faisait de l`oeil!

Fatigué par de vains efforts, le voleur de grand chemin, au plumage brun avec des lisières claires, abandonna rapidement sa quête pour se retourner promptement vers sa promise. La tête baissée et le cou ondulé, il lui sifflait tout bonnement quelque chose comme: «viens-t-en cocotte! ...On a assez perdu de temps icitte...». Immédiatement, elle obtempéra pour le suivre vers l`étang afin de se régaler de racines et de petits mollusques parmi une myriade de poissons aux écailles scintillantes et multicolores.

Toujours bien cramponnée dans le creux de mes ailes, Jacinthe me paraissait perdue dans de douces pensées où quelques anges lui jouaient à l`oreille de la harpe et du haut-bois. Sous un rayon de bonheur, chaud et caressant comme la main douce d`une mère attentionnée, je ne tardais pas, moi aussi, à m`évader dans un monde céleste où chacun vit d`amour et d`eau fraîche...

Entretemps, la vie nous avait filé entre les doigts à mesure que le soleil, tout souriant, disparaissait lentement à l`horizon de ma forêt. Nous nous réveillâmes tout raidi au moment où une brume fraîche et humide se levait du sol. Après s`être étiré comme un chat, nous remarquions que nos deux visiteurs étaient toujours dans l`étang à patauger gaiement. Leur halte dans mon paradis retrouvé leur semblait profiteur, quand sous nos yeux grands et ronds, deux jeunes loutres de rivière, au regard enjoué et insouciant, se faufilaient bruyamment et rapidement à travers les basses herbes pour se glisser dans l`eau. On aurait dit deux torpilles larguées des profondeurs de la forêt!

Alerté par un danger, sur le qui-vive, les deux bernaches allongeaient leur cou vers l`arrière, par-dessus leur épaule, pour rechercher la cause de leur inquiétude et s`envolaient aussitôt comme elles étaient arrivées. Mon coeur en fut attristé. Nous les observions silencieusement s`éloigner dans un ciel rose-lilas époustouflant pour rejoindre à la queue leu leu leurs camarades tapageurs.

Le Chat botté,

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